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République Centrafricaine : L’insertion des jeunes en agriculture, un levier stratégique pour la relance rurale

06 November 2025
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En République Centrafricaine, l’agriculture suscite un intérêt croissant chez les jeunes, porteurs d’initiatives et d’espoir. Pourtant, leur parcours d’installation reste jalonné d’obstacles structurels et institutionnels. À l’occasion de l’atelier régional des jeunes entrepreneurs agricoles d’Afrique centrale, organisé par la PROPAC à Douala (Cameroun) du 3 au 6 novembre 2025 avec le soutien d’Afdi (Agriculteurs français et développement international), le Collège des jeunes de la CNOP-CAF a partagé un diagnostic précis des réalités du terrain. Ce dossier met en lumière les défis rencontrés, les politiques publiques en vigueur, les dispositifs d’appui existants, ainsi que les solutions proposées pour faire de l’agriculture un véritable levier d’emploi, de résilience et de dignité pour la jeunesse rurale centrafricaine.

Le parcours d’un jeune agriculteur débute souvent par un apprentissage informel, transmis au sein des familles ou acquis sur le terrain. Quelques centres de formation rurale et lycées agricoles existent à Bangui, Bambari ou Bossangoa, mais leur accès reste limité. Les formations sont souvent inadaptées aux besoins du marché, manquent de matériel pratique et ne prévoient pas de suivi post-formation. Cette situation empêche de nombreux jeunes formés de se professionnaliser durablement.

L’accès aux ressources productives constitue un autre frein majeur. Le foncier est sous contrôle coutumier, souvent réservé aux aînés, et les jeunes, en particulier les femmes, peinent à obtenir des terres cultivables. Le financement est difficile à mobiliser, les banques exigent des garanties inaccessibles et les dispositifs publics sont concentrés en zones urbaines. Les intrants et équipements agricoles sont coûteux et leur disponibilité dépend de projets de coopération, souvent limités géographiquement.

Même après leur installation, les jeunes producteurs rencontrent des difficultés de commercialisation. Les routes sont dégradées, le transport coûteux, et les structures de transformation ou de stockage quasi inexistantes. Faute de coopératives actives et de stratégies collectives, les jeunes vendent leurs produits à bas prix sur des marchés locaux instables, sans visibilité ni valorisation.

Malgré ces défis, des parcours inspirants émergent. Madame MOKAMANEDE ZOMA Annita Pamela, après une formation en gestion et entrepreneuriat rural, s’est lancée dans la production et la transformation agroalimentaire. Elle a mobilisé des soutiens locaux et associatifs pour développer son activité et dirige aujourd’hui un centre de formation pour jeunes producteurs. Son engagement illustre la capacité d’innovation et de leadership des jeunes centrafricains lorsqu’ils bénéficient d’un appui adapté.

Les politiques publiques reconnaissent l’agriculture comme levier de relèvement économique et d’intégration des jeunes. Le Plan National de Développement (PND) vise à moderniser le secteur rural, créer des emplois, faciliter l’accès au foncier et au crédit, structurer les jeunes en coopératives et soutenir la transformation locale. Le Plan de Relèvement et de Consolidation de la Paix (RCPCA), élaboré dans un contexte post-crise, intègre la jeunesse comme acteur central de la résilience. Il prévoit la réinsertion socio-économique des jeunes vulnérables, la création d’agropoles ruraux, le développement des chaînes de valeur et l’inclusion des jeunes dans toutes les politiques de relèvement.

Plusieurs dispositifs d’appui existent, portés par l’État, les organisations paysannes et les partenaires techniques. Le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural pilote la politique agricole, tandis que le Ministère de la Jeunesse soutient la formation et l’entrepreneuriat rural. L’ACFPE facilite l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, et l’ONFPP propose des formations techniques agricoles. La CNOPCAF encadre les jeunes via les coopératives, avec l’appui de la PROPAC, de l’AFDI et du FNJA. Des partenaires comme la FAO, le PNUD, le FIDA ou l’Union Européenne financent des programmes de relance et de structuration.

Cependant, le fonctionnement de ces dispositifs reste inégal. La coordination entre ministères est faible, les cadres légaux incomplets, et les services trop centralisés à Bangui. Les jeunes ruraux manquent d’information, de formation adaptée, de financement et d’accès au foncier. Les chaînes de valeur sont peu structurées et les débouchés limités.

Face à ces constats, plusieurs solutions sont proposées :

  • Sur le plan institutionnel : Créer un guichet unique national pour l’insertion des jeunes en agriculture, renforcer la coordination intersectorielle, décentraliser les dispositifs et mettre en place un suivi participatif.

  • En matière de formation : Créer des centres régionaux orientés vers la pratique, intégrer l’entrepreneuriat agricole dans les programmes scolaires, accompagner les jeunes après leur formation et structurer un réseau national de formateurs.

  • Sur le plan financier : Réactiver le Fonds National d’Appui à la Jeunesse avec un volet agricole, développer des mécanismes de microcrédit adaptés, encourager les coopératives d’épargne et de crédit, promouvoir les partenariats public-privé et former les jeunes à la gestion financière.

  • Pour l’accès au foncier et aux intrants : Adopter une politique inclusive, lancer des projets communautaires de mise en valeur et accorder des subventions ciblées.

  • Pour l’accès au marché : Créer des points de vente communautaires, renforcer la transformation locale, faciliter la participation aux foires agricoles, développer des plateformes numériques et promouvoir la labellisation des produits « Made in RCA ».

La jeunesse agricole centrafricaine fait preuve d’une volonté remarquable. Avec un appui institutionnel cohérent, un financement adapté et une formation continue, elle peut devenir un pilier de la relance rurale, de la stabilité et du développement durable.

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Mike ATANGANA

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